Auteur : 
Andréa NJAMENI

Si je n’avais pas ma fierté, toute enrobée de mes convictions, je baisserais bien la tête. Non pas comme un coureur, mais comme un coquet pris en flagrant-délit de mauvais-goût. Et ma foi, quoi de plus ridicule que ce casque en mousse durcie quand je fais du vélo dans la ville ? 
L’autre jour, un ami m’interpellait, goguenard : alors, tu t’es déguisé en Playmobil ?! Et c’est vrai qu’avec le pantalon rentré dans les chaussettes (ou le serre-patte-d’ef fluo, au choix), le brassard clignotant et la baguette réfléchissante qui indique la distance de sécurité, pour peu que j’active mes loupiotes stroboscopiques, je m’imagine avoir un air de père Noël égaré.

Personne ne contestera que l’époque est propice au vélo. Pas même les aficionados de l’Automobile Club. Je vous passe les évidences sur l’empreinte carbone, le dérèglement climatique ou les particules fines qui gratouillent nos petits poumons de citadins. Mais bizarrement, pays de la Grande Boucle pourtant, la France a mal à sa bicyclette. Il paraît que plus de 90% des français en âge de marcher savent en faire, contre moins de 50% des américains (yeah !). Mais depuis les années 90, la part du vélo dans les déplacements des citadins français est tombée à 4% (bouhhh !). Sans aller jusqu’en Asie (Chine, Inde, Vietnam...) où l’usage du vélo représente dans certaines villes jusqu’à 70% des déplacements, ni même en Europe du Nord (Danemark, Pays-Bas...) - 30 à 40% - notre voisin transalpin (nord de la Botte en tout cas) a davantage développé les infrastructures et popularisé l’usage du vélo que nous ne l’avons fait chez nous. 

De la draisienne au vélocipède (XIXe s.), puis de la bicyclette au vélo (XXe s.), l’usage des deux-roues à l’huile de genoux n’a cessé de croître... jusqu’aux années 50. Mais qu’est-ce donc qui a fait qu’en France le biclou a loupé le coche ?!
La faute aux politiques publiques qui, depuis 50 ans au bas mot, ont privilégié la voiture et le « vélomoteur » pour des raisons économiques plus que culturelles. Par ailleurs, l’industrie française du cycle a développé jusqu’à il y a quelques années une stratégie délibérément axée sur l’usage sportif et de loisir du vélo. Et puis, peut-être cela a t-il correspondu aussi à l’esprit fortement individualiste qui, paraît-il, caractérise les hexagonaux. Le français serait-il chatouilleux en ce qui concerne sa liberté de déplacement (ou sa liberté tout court) ? On est à cheval sur la selle qu’on peut...

Mais soyons positifs : nous devrions avoir quelques raisons d’espérer en la possibilité de mettre un coup de pédale en avant. Une publicité métropolitaine a fait son apparition récemment à Montpellier : « Le vélo est votre épargne ». Tiens donc ! Le levier serait-il, plus que la santé ou la sensibilité écologique, la rotondité du porte-monnaie ? Eh, pourquoi pas ?... On n’en est pas encore à voir dans les artères des villes se bousculer les vélo-cargos, les vélos-side-car ou autres vélos-poussettes, mais ça progresse doucement. A Paris déjà, la rue de Rivoli connaît en journée un flux débridé de cycles de tous acabits (je me la suis faite en trottinette, c’était chaud !). C’est toutefois un engouement encore récent – sauf pour quelques crealeadiens militants  - qu’il soit stimulé pour de bonnes raisons (mairies écolos de plus en plus nombreuses ? primes aux vélos à assistance électriques ?) ou de moins funs (budgets en souffrance ? contexte sanitaire et joies des confinements à modalités variables ?).

Ce que je remarque, à tout le moins, c’est qu’une acculturation est encore à faire. Quand je croise des cyclistes à la ville, je suis encore presque à tous coups le seul à assumer ma tête de Playmobil…