Couverture 3D Print santé N.3
Auteur : 
SANDRA FERLEY

Des étudiants de l’institut polytechnique de Zurich (EPFZ) explorent une autre voie pour tenter de trouver de nouvelles solutions pour venir en aide aux 26 millions de personnes qui souffrent d’insuffisance cardiaque dans le monde

De battre leur cœur s’est arrêté. Et paradoxalement cela suscite malgré tout un immense intérêt de la communauté scientifique. Les chercheurs du laboratoire de l'École polytechnique fédérale de Zurich (EPFZ) ont réussi une belle première : concevoir un cœur en silicone imprimé en 3D. Lequel n’a pour le moment résisté que le temps de 3000 battements (soit environ 45 minutes de fonctionnement). Au-delà, le silicone a montré des traces d’usure et n’a plus pu résister au mouvement continuel et à la tension induite.

Ils ont toutefois prouvé au cours de ces minutes que le cœur artificiel souple fonctionnait et bougeait de la même façon qu’un cœur humain. Et c’est avant tout ce que recherchait l’équipe, comme l’explique Nicholas Cohrs, son développeur étudiant en doctorat qui a travaillé sur le projet avec Anastasios Petrou.

« C’était simplement un test de faisabilité. Notre but n’était pas de présenter un cœur prêt à être implanté mais de réfléchir à une nouvelle direction pour développer des cœurs artificiels. 

L'insuffisance cardiaque est une maladie sévère et les options de traitement sont limitées. Les cœurs artificiels actuels sont des machines rigides et nous avons voulu essayer d’en fabriquer un complètement doux et qui pourrait surmonter les effets secondaires de dispositifs actuels. Notre but était de fabriquer un cœur artificiel, qui imite le cœur humain en forme et en fonction et ait la même taille que celui du patient. »

Une voie biologique plutôt que mécanique

Ils ont choisi une voie radicalement différente de celle de l’entreprise française Carmat, délaissant le mécanique pour le biologique. La probabilité de complications associées à la combinaison de plastique et le métal de la pompe est ainsi réduite. Ce cœur affiche un poids de 390 grammes et un volume de 679 cm3, des valeurs très proches des dimensions humaines, et trois fois plus léger que le cœur des Français. « Il s'agit d' un monobloc en silicone, avec une structure interne complexe, » explique Nicholas Cohr.

Ce prototype comporte deux ventricules, gauche et droit, comme dans le cœur humain. Mais les deux cavités ne sont pas, comme dans la réalité, séparées par une paroi, le septum.

Les ingénieurs ont conçu une chambre supplémentaire jouant le rôle de la pompe, qui sert à la propulsion du sang vers le restant du corps.

Pour cela, un dispositif gonflable permet, selon la quantité d'air mise sous pression, de gonfler ou de dégonfler la chambre.

« Nous avons voulu fabriquer un cœur artificiel avec l'aide de l'impression de 3D, parce que nous partons du principe qu’il propose une circulation de flux sanguin plus physiologique comparé à un cœur artificiel rigide. L'impression 3D est très polyvalente et très efficace pour fabriquer des parties complexes rapidement. Nous imprimons en 3D un moule, puis injectons la silicone avant de dissoudre le moule. »

La recherche se poursuit avec d’autres matériaux

Si les principes de fonctionnement sont trouvés, reste à améliorer la capacité à supporter la tension de la matière pour améliorer la durée de vie du cœur. Tout en gardant les propriétés de douceur et de flexibilité du silicone. L’équipe continue ses recherches dans cette direction pour améliorer son cœur et a déjà bien avancé. « Nous travaillons actuellement sur un nouveau prototype avec une géométrie différente et un autre polymère et nous avons amélioré la durée de fonctionnement significativement, » précise ainsi Nicholas Cohr.

Cette recherche est d’autant plus d’actualité qu’aujourd’hui 26 millions de personnes dans le monde souffrent d'insuffisance cardiaque. Pour l'instant, la seule réponse valable sur le très long terme est la transplantation. Mais elle est limitée par le nombre de donneurs d'organes, qui sont peu nombreux.

Tant que le prototype n’est pas prêt à remplacer les cœurs humains défaillants, la technologie pourrait être utilisée pour remplacer les pompes de sang qui sont utilisées dans les hôpitaux pour des patients attendant des transplantations.

Quant à savoir si un jour, et surtout quand, un cœur imprimé en 3D pourra être implanté chez un être humain, Nicholas Cohr préfère ne pas s’avancer. « C’est difficile à prédire. Nous continuons à travailler sur la question et espérons réussir. Il reste beaucoup d’inconnues, mais les développements technologiques sont si rapides que je veux croire que cela deviendra possible un jour... »

 

L’équipe de l’université de Zurich

L’équipe de recherche est un groupe collaboratif composé de chercheurs en médecine et d’ingénieurs du Laboratoire de matériaux fonctionnels de l’école polytechnnique fédérale de Zurich. Nicholas Cohrs et Anastasios Petrou se sont rencontrés au sein du « Zurich heart project », un projet phare de l’université de médecine de Zurich qui réunit vingt groupes de recherche de diverses discipline et institutions à Zurich et Berlin. Une partie des recherches porte sur l’amélioration des pompes sanguines existantes, d’autres travaillent sur les surfaces biocompatibles ou explorent les membranes très élastiques.

Les échanges directs entre chercheurs sont très utiles et permettent à tous d’avancer. Ainsi des doctorants du groupe de Zurich développement de produits, qui travaillent sur de nouvelles technologies pour les pompes sanguines, ont développé un environnement de test avec lequel ils peuvent simuler le système cardio-vasculaire humain. Les chercheurs sur le cœur en silicone l’ont utilisé pour leurs propres recherches qui inclut l’utilisation d’un fluide à la viscosité comparable à celle du sang humain. Ce qui fait dire à ces chercheurs que « actuellement notre système est certainement l’un des meilleurs du monde ».

 

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