Auteur : 
Sandrine Mathon

Le 28 septembre 2022, Crealead était convié, en la personne de Sandrine Mathon sa Présidente, à participer à l'Atelier de Rentrée des Réseaux Economiques de Montpellier.
La participation s'est faite sous la forme d'une co-animation d'un atelier sur les "Nouveaux Modes de Management", en compagnie de l'EMCC, de 60 000 Rebonds, et du CJD (Club des Jeunes Dirigeants). L'occasion de mettre en avant nos modes de gouvernance partagée, mais aussi de peindre (très rapidement) le tableau des nouvelles approches qui se répandent peu à peu, de l'agilité à l'holacratie.
 

L'importance du mode de management pour donner envie

L'atelier est parti d'un article des Echos intitulé "Baisse des candidats dans l'ESS : et si le sens ne suffisait plus ?". L'auteur de l'article constate que non seulement les gens se détournent du salariat dans l'économie traditionnelle, mais qu'aujourd'hui même l'ESS est touchée. Alors que l'ESS donnait souvent du sens au travail, les salariés ne cherchent plus ce sens dans le travail, mais dans d'autres activités.
Les participants ont donc travaillé en petits groupes sur le lien entre le mode de management et le fait d'attirer et fidéliser les salariés.
 

L'humain au coeur du sujet

La plupart des groupes, et c'est heureux, ont mis en avant les aspects "humains" du management : l'écoute, le collaboratif, la cohésion, la montée en compétences, la confiance mais aussi le cadre et la clarté.
Des jeunes étudiants présents dans la salle ont évoqué des approches comme l'holacratie, en réaction à des approches de management très paternalistes, et/ou contrôlantes... également représentées dans la salle.
 

Une histoire des approches managériales... en 10s

La conclusion a permis de revenir à la base de la définition du management : d'origine française, de racine commune avec le mot manège, Manager veut dire tenir les rênes. Aujourd'hui, on dirait plutôt que le Management sert à faire travailler les gens ensemble, en allant même jusqu'à booster l'intelligence collective.  
La conclusion a également permis de brosser très rapidement un historique des évolutions managériales, avec la mise en avant de 2 périodes clefs : fin des années 60, début 70, avec des réflexions comme le Servant Leadership (leader au service des équipes), et les débuts de la sociocratie. On constate un glissement du manager au leader.
Depuis, l'évolution se constate surtout à partir des années 2010, et notamment sous l'impulsion des méthodes agiles (nées en 2000 dans le monde informatique) qui ont remis au goût du jour les réflexions sur l'intelligence collective, le leadership, bref sur "comment mieux travailler ensemble". L'holacratie, elle, est une approche destinée à toute une Organisation, qui marie la sociocratie avec l'agilité.

Toutes ces approches mettent l'accent sur l'intelligence collective, la répartition des rôles et des responsabilités, un mode de fonctionnement de moins en moins hiérarchique jusqu'à l'auto-organisation, la résolution des tensions.
 

Sociocratie, agilité et holacratie : de quoi s'inspirer ?

La sociocratie apporte 4 principes majeurs, beaucoup utilisés en entreprise coopérative :

  • la prise de décision par consentement : une décision est adoptée s'il n'y a plus d'objection argumentée. Contrairement au consensus où tout le monde doit être d'accord avec la proposition, et contrairement à la démocratie où il suffit qu'une majorité soit d'accord, ici il s'agit de ne plus avoir d'opposants.
  • le fonctionnement en cercles : "La sociocratie maintient la structure opérationnelle existante d'une organisation. À chaque élément de cette structure, elle rajoute en parallèle un cercle chargé de la prise des décisions politiques. Toute personne appartenant à la structure opérationnelle est membre de droit du cercle correspondant. Des cercles ad hoc peuvent être créés pour résoudre des problèmes spécifiques."
  • le double lien : les cercles sont "hiérarchiques", ie qu'un cercle dépend du cercle supérieur. Le double lien permet d'avoir un représentant dans le cercle inférieur et un représentant dans le cercle supérieur.
  • l'élection sans candidat : chaque personne concernée par l'élection propose le candidat de son choix en argumentant. A la fin le facilitateur propose un candidat qui est élu ou non par consentement.

L'Agile, qui représente à la fois un état d'esprit, une philosophie, et un ensemble de méthodes de gestion de projets apporte entre autres les points suivants :

  • redonner son importance à l'Humain, à l'équipe et à l'intelligence collective
  • mettre le client dans l'équipe et créer une relation de partenariat avec lui/elle.
  • se refocaliser sur l'objectif (la création d'un logiciel ou tout autre objectif défini) et prendre toutes les décisions en fonction de cet objectif
  • ajuster fréquemment le produit et l'organisation

L'holacratie est un peu la réunion de ces 2 mondes. On y retrouve les 4 principes de la sociocratie, mais aussi une gouvernance itérative et des processus adaptatifs comme en agilité.
Comme dans la sociocratie, l'holacratie présente un fonctionnement en cercle mais ces cercles sont autonomes, et ne dépendent pas d'une structure hiérarchique.
Chaque cercle (et l'organisation entière et chaque rôle au sein des cercles) repose sur :

  • une raison d'être claire et affirmée
  • des rôles définis eux-mêmes par leur raison d'être, leur domaine et leurs "redevabilités"
  • des tensions, dont la résolution pousse l'organisation à évoluer, qu'elles soient tensions de gouvernance ou opérationnelles
  • des réunions de gouvernance et opérationnelles, qui correspondent un peu aux cérémonies agiles

L'entreprise libérée, même si elle est moins formalisée, relève de cette mouvance aussi.
 

Et les entreprises coopératives ?

Les entreprises coopératives régissent la prise de décision de gouvernance (définition du projet de l'entreprise, stratégie...), pas forcément l'opérationnel. Mais la congruence entre la gouvernance et la prise de décision au quotidien est indispensable. Il n'y a rien de pire qu'un salarié associé qui peut participer aux décisions stratégiques mais qui subit en même temps un management directif.
La lucrativité limitée évite également l'argument que l'un des participants nous a sorti : "je suis obligé de contrôler mes salariés pour que l'entreprise gagne de l'argent, il faut que je pense à mes actionnaires". On fait mieux comme "raison d'être" motivante.
 

Conclusion : il n'y a plus de types de managers, il y a des modes de management

Le point commun de toutes ces approches est qu'elles tendent à faire disparaître le rôle de manager au sens initial du terme. Il n'y a plus une personne unique au sommet de la pyramide qui prend toutes les décisions, ou du moins porte sur ses épaules toutes les responsabilités. Ce rôle est réparti entre plusieurs personnes/groupes de personnes.
La mise en oeuvre n'est pas forcément simple. Entre les managers qui ne veulent pas lâcher, les salariés qui ne veulent pas de responsabilité et qui veulent qu'on leur dise quoi faire, et l'intelligence collective qui ne se décrète pas (on rappelle que le QI d'une foule est égal au QI le plus bas divisé par le nombre de personnes), la démarche demande une vraie volonté. La responsabilité juridique est un autre aspect qui n'aide pas : il faut un responsable officiel sur qui taper en cas  de problème.
Il y a moyen d'y aller progressivement, en autonomisant peu à peu des cercles thématiques, en définissant des rôles, en remettant l'organisation sur le tapis de manière itérative. Et en travaillant la condition sine qua non pour que ça marche : la raison d'être, à tous les niveaux.  A noter que Zappos, l'exemple le plus connu d'entreprise holacratique, l'a mis en place façon "big bang", d'un seul coup.

Même si les exemples qui marchent ne sont pas encore nombreux, une entreprise peut aujourd'hui difficilement se passer de s'intéresser à ces nouveaux modes de management. Parce que la nouvelle génération n'acceptera plus une gouvernance à l'ancienne, et que, chose plus récente suite aux confinements, les générations plus anciennes veulent aussi autre chose. Gardons en tête que de nombreuses personnes ne voient plus d'avenir à notre système actuel. Alors donnons-nous les moyens d'en créer un autre, plus participatif, plus intelligent, avec du sens.

 

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